Anecdotes felokiennes

Selesnya fit un pas en arrière, cherchant à reprendre son souffle. Il semblait affaibli. Cette fois serait la bonne. Un bon en avant, un coup d’épée entre deux plaques écailleuses … Il ne bougeait plus … Parfait.

Elle rejeta en arrière ses longs cheveux argentés et grimaça. Des jours et des jours qu’elle s’entraînait et elle n’y arrivait toujours pas. A chaque fois qu’elle combattait l’un de ces maudits mille-pattes, ils arrivaient à la toucher. Bien sûr, un mille-pattes n’avait pas beaucoup de force ; un coup de patte ne pouvait faire qu’une égratignure ….. mais quand il était question de mille égratignures, c’était une autre histoire.

L’idéal était évidemment d’être suffisamment rapide pour le frapper avant qu’il ait eu le temps de réagir et de frapper à son tour. Mais elle n’était pas prête d’y arriver. La preuve en était les multiples entailles qui couvraient son corps aux endroit où il n’était pas protégé au moyen de quelque chose de valable. D’ailleurs, sa tunique était encore déchirée. Cela promettait une soirée passionnante à faire de la couture. Comme si elle n’avait pas mieux à faire ! Enfin … non, finalement, elle n’avait pas mieux à faire. Elle passait tellement de temps à s’entraîner qu’elle rentrait fourbue tous les soirs. Comment voulez-vous faire des rencontres dans ce cas ? Et avec toutes ces blessures, elle n’était vraiment pas présentable !



Elle entra dans sa chambre. Pour une fois, l’aubergiste avait compris. Il y avait de l’eau chaude qui l’attendait. Elle se laissa glisser avec un soupir dans le baquet. Rien de tel pour guérir les écorchures.

Il n’y avait qu’une chose qui était mieux en fait : la crème à la gelée de blob qu’elle s’appliquait tous les soirs sur le corps – Méchants mille-pattes. D’ailleurs, elle avait fini sa réserve de crème hier. Il fallait qu’elle en refasse ce soir. Pour cela, elle avait besoin de … de gelée de blob ! Elle avait oublié la gelée de blob ! Elle avait passé tellement de temps sur ces maudits mille-pattes qu’elle avait oublié de refaire son stock de gelée.

Ce n’était pourtant pas difficile. Il suffisait d’attraper un blob – et ces bestioles ne courent pas vite –, de le presser en son milieu et, si le geste était bien fait avec la force voulue, la gelée sortait. Bien sûr, si on allait trop vite ou pas assez, c’était raté et il fallait recommencer avec un autre blob. Mais, avec de l’entraînement, c’était faisable.

Seulement, elle avait utilisé toute la crème hier et elle n’avait pas approché un blob depuis, ce qui faisait qu’elle n’avait pas de gelée. Elle soupira en s’adossant aux parois du baquet. Pas de gelée de blob voulait dire pas de crème et pas de crème, une très mauvaise nuit.

L’eau refroidissait déjà et les petites démangeaisons qui parcouraient la peau de Selesnya revenaient. Elle n’avait pas le choix. Elle devait aller chercher cette fameuse gelée. A contre cœur, elle sortit de l’eau, se sécha, se rhabilla – ce n’était pas ce soir qu’elle recoudrait cette déchirure – et sortit.

Heureusement que les blob brillaient dans la nuit.

Oh non ! Encore une ! Ces chauve-souris avaient la mauvaise habitude de prendre sa tête pour cible. Comment voulez-vous presser des blobs quand vous avez les mains occupées à dérouler une mèche de cheveux entortillée autour d’un de ses volatiles.

Une fois sur deux, une aile restait dans sa main. Il faut dire que, au bout de la dixième chauve-souris, la patience n’était plus qu’un lointain souvenir. Et ces petites choses étaient si fragiles.

Selesnya palpa rêveusement l’aile qu’elle venait de dégager. En récupérant les membranes, peut-être y aurait-il moyen de faire une jolie nuisette. Humm … ça pouvait être intéressant … Elle rangea soigneusement l’aile dans son sac en vue d’un hypothétique moment de couture.

Elle se pencha pour ramasser un blob mais une idée lui traversa l’esprit : pour qui pourrait-elle bien mettre une nuisette ? Toute à cette pensée, elle comprima le blob pour en faire sortir la gelée … et se retrouva avec une bouillie sanglante entre les mains. Elle avait appuyé trop fort, le sang s’était mélangé à la gelée, la rendant inutilisable. Décidément, ce n’était pas son jour … enfin … sa nuit.

Encore une chauve-souris ! Mais c’était une invasion. On ne pouvait même plus se lamenter tranquillement. Elle s’assit par terre pour échapper au vol incontestablement trop bas des rongeurs volants … Aaah … Un blob … Encore une gelée inutilisable. Elle n’aurait jamais sa crème à cette vitesse-là.



Il commençait à être affreusement tard. Il fallait rentrer à l’auberge… à moins que … Pouvait-elle dormir ici ? Hum … Elle n’avait pas pris de couverture et il risquait de faire un peu froid lorsque la rosée du matin se déposerait. Si seulement elle avait la jolie fourrure de félys de sa mère … Elle pouvait bien remercier son père : c’était de sa faute si elle avait une peau rose et lisse …

C’était décidé, elle dormirait ici. Si elle avait froid … Eh bien, elle se couvrirait des ailes de chauve-souris qu’elle avait dans son sac. Elles étaient sûrement plus chaudes qu’elles n’en avaient l’air… ou pas.

Elle se roula en boule – ça au moins elle s’avait le faire comme une félys – et ne tarda pas à s’endormir.